Réforme règlementaire en zone CIMA : entre ambitions et défis structurels par Ange BOUYOU-MANANGA

by Ange BOUYOU-MANANGA

Réforme règlementaire en zone CIMA : entre ambitions et défis structurels par Ange BOUYOU-MANANGA

by Ange BOUYOU-MANANGA

by Ange BOUYOU-MANANGA

L’Afrique, et plus particulièrement la zone CIMA, en se dotant d’un cadre règlementaire contraignant pour les assureurs en terme de fonds propres, démontre qu’une réelle prise de conscience des obstacles qui la séparaient d’une pleine croissance de ce secteur, s’est effectuée.

En avril 2016, la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (CIMA), – l’organe de supervision et de régulation de la zone du même nom, qui regroupe 14 pays du continent – a voté la multiplication par 5 du capital social minimal à détenir pour un assureur exerçant dans la zone.

En effet, d’ici à 2021, tout acteur du marché devra être doté d’au moins FCFA 5Mds (pour les sociétés anonymes d’assurance, FCFA 3Mds pour les sociétés d’assurance mutuelles) de capital social pour pouvoir exercer dans la zone. Plus précisément, cette exigence en fonds propres sera progressive – lissée sur 5 ans exactement – avec notamment comme point de passage : l’atteinte obligatoire des FCFA 3Md au plus tard en 2019.

Une réforme d’une telle ampleur – conduite alors par un pays seul, et non un groupement de pays – a déjà été observée sur le continent pour des résultats qui conduisent nécessairement à l’optimisme.

Au milieu des années 90, le Maroc a également fait le choix d’assainir un secteur de l’assurance qui souffrait des mêmes maux à l’origine de la réforme conduite par la CIMA. Conséquences ? Un secteur plus robuste avec l’émergence de géants tels que Wafa Assurance et une confiance rétablie chez les assurés qui s’est traduite notamment par un doublement du taux de pénétration en l’espace de 20 ans.

Ces effets ne sont d’ailleurs pas le propre des économies africaines contemporaines, puisque des conséquences similaires ont pu être observées en France – et plus généralement en Europe – au siècle dernier, suite à une refonte de la réglementation assurantielle.

Les choses vont donc dans le bon sens, c’est indéniable, car comme nous le montrent ces exemples, au-delà d’assurer la pérennité du secteur, une telle réforme permettra également de lutter contre la défiance profonde qu’ont les africains envers les assureurs, la faute notamment à des cadences de règlements des sinistres indécentes et des tarifs parfois exorbitants qui décrédibilisent le secteur.

Toutefois, l’optimisme suscité par une telle réforme se doit d’être tempéré du fait des nombreux obstacles qui se dressent encore sur le chemin conduisant à la plénitude du secteur.

En effet, les Etats d’Afrique subsaharienne accusent des retards importants – sauf rares exceptions : Gabon, Côte d’Ivoire – sur le Maroc si l’on s’intéresse à certains indicateurs clefs de développement comme l’IDH. C’est pour cela que le rôle des Etats est primordial dans la réussite de l’application de cette réforme : sans des politiques sociales ambitieuses qui permettront, entre autre, d’améliorer le pouvoir d’achat des Africains, les effets de cette nouvelle réglementation seront limités.

D’autant qu’il est fort à parier que cette nouvelle exigence en capital ne puisse être atteinte par l’ensemble des acteurs actuels, ce qui conduira à des opérations de fusions-acquisitions pouvant mener à des situations de monopoles dans certains marchés d’importance modeste, à la disparition de bon nombre de compagnies – quid de leurs portefeuilles d’assurés ? – ou pire, à la disparition du secteur de l’Assurance dans son ensemble pour certains pays où actuellement, les fonds propres cumulés de tous les assureurs n’atteignent pas les FCFA 5 Mds, comme au Togo par exemple.

Encore une fois, sans un accompagnement des Etats, cette réforme pourrait s’avérer être un drame sociétal pour des pays membres de la CIMA.

 

En définitive, les bases d’une réforme qui pourrait faire date en Afrique – puisque concernant une zone et non pas un seul pays – ont été posées, et c’est assurément une excellente chose.

Toutefois, l’on s’aperçoit qu’un accompagnement des Etats sera indispensable, tout comme peut-être certains ajustements, comme imaginer de définir un montant de capital social qui dépendrait du secteur d’activité ou de la richesse produite du pays où exerce l’assureur – voire un capital propre à chaque assureur ? –  sous peine de faire disparaître l’assurance dans certains pays.

Les obstacles sont bien là, mais ce sont également autant d’opportunités de faire de l’Assurance dans la zone CIMA un secteur pérenne, et moteur des sociétés du continent.

Ange BOUYOU-MANANGA est actuaire ALM chez SOCIETE GENERALE INSURANCE depuis 5 ans. Aujourd’hui dans le pôle modélisation, calculs et valeur du service ALM, il a également évolué pendant plus de 3 ans au sein du pôle consolidation, études et reporting lui aussi rattaché au service ALM. Ange est également un membre actif de l’Association des Actuaires Africains.

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