L’Afrique, à la pointe de l’e-santé, mais à court d’investisseurs

by club2030

L’Afrique, à la pointe de l’e-santé, mais à court d’investisseurs

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Avec la création d’un observatoire de l’e-santé dédié aux pays du sud, la Fondation Pierre Fabre espère mieux faire connaître les startups africaines, asiatique ou d’Amérique latine aux investisseurs afin de les encourager à mettre la main à la poche. Les projets de santé numérique connaissent de grandes difficultés pour se déployer dans les pays pauvres alors qu’ils représentent un moyen de pallier certaines lacunes des systèmes de santé.

Une initiative sans précédent dans l’histoire de l’e-santé. Lundi 4 juillet, la fondation Pierre Fabre a annoncé le lancement du premier Observatoire de l’e-santé dédié aux pays du Sud, c’est-à-dire à l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine. Une initiative lancée après un an de réflexions avec un groupe de travail dans lequel figurent la fondation, le Catel, une association dédiée à la télésanté, des experts, tels que Gilles Babinet, digital champion pour la France auprès de la Commission européenne, ou encore Start-upBrics, média et société de conseil, chargé de trouver les projets les plus marquants dans les pays du Sud. Cet observatoire va être cofinancé par l’Agence française du développement, a annoncé Béatrice Garette, directrice de la fondation Pierre Fabre, à La Tribune.

Comme n’importe quel autre observatoire, il vise à regrouper des données de startups de l’e-santé des pays du Sud, afin d’apporter des éclairages sur un écosystème particulièrement sibyllin. Mais l’initiative veut aller plus loin.

« L’idée est d’exposer aux investisseurs les innovations les plus marquantes, surprenantes et peu médiatisées, dont on ne pouvait pas imaginer l’existence dans ces pays-là. Des initiatives qui ont un vrai impact sur des populations vulnérables », explique Samir Abdelkrim, cofondateur de Start-upBrics.

Parmi ces startups, il cite notamment le projet burkinabèMos@n, mis en route en 2013. Son objectif est de favoriser l’accès aux soins dans le district défavorisé de Nouna, et d’améliorer la prise en charge des personnes vulnérables comme les femmes enceintes et des nouveau-nés. Il propose un service de sensibilisation via téléphone mobile et intègre un système de « marraines » pour empêcher leur isolement, afin de mieux prévenir la mortalité infantile et maternelle. Le projet burkinabé bénéficie de quelques financements publics, mais ce n’est pas suffisant pour qu’il se déploie correctement.

Mos@n a « des difficultés à trouver des investisseurs alors qu’il n’aurait besoin que de 50.000 à 100.000 euros pour se déployer », assure Samir Abdelkrim.

Une vitrine pour attirer les investisseurs

« Les projets échouent souvent, car ils manquent de financements, d’accompagnement avec des incubateurs, ou le climat des affaires n’est pas favorable », ajoute-t-il.

Lutter pour pallier les difficultés de financement, tel est le credo de l’observatoire.
Outre un prix financier accordé lundi à l’une des dix startups africaines et asiatiques sélectionnées parmi une centaine d’initiatives repérées (des dizaines d’initiatives en Afrique et en Asie sont documentées et détaillées sur le site dédié odess.io) , l’observatoire espère attirer durablement les investisseurs, très frileux pour le moment. Outre l’existence de quelques incubateurs, et des faibles aides des États, peu d’initiatives existent. Orange Digital Ventures, un pôle d’investissement, a annoncé en 2015 s’intéresser notamment aux startups africaines. Mais il n’a pas annoncé d’investissements majeurs dans l’e-santé sur le continent pour le moment.

Il est « difficile de les pousser à investir des pays dans lesquels on vit avec deux ou trois euros par jour », déplore Béatrice Garrette, directrice de la Fondation Pierre Fabre.

« Peu de capital-risque en Afrique »

Samir Abdelkrimn, dont le site « StartupBRICS vise à « fournir aux décideurs économiques français et francophones les actualités, éclairages et analyses sur le potentiel numérique des futurs champions économiques de demain », nourrit plus d’optimisme:

« En Afrique, il y a peu de capital-risque, mais des partenariats en Europe, des consortiums, permettraient à ces startups de trouver un modèle économique. Et l’accompagnement de la Fondation Pierre Fabre pourrait convaincre les investisseurs ».

Autres arguments, pour Samir Abelkrim: la qualité des projets et la possibilité de diffuser des innovations dans l’e-santé à l’étranger. « Nous avons ramené des investisseurs indiens dans cet observatoire. Ils s’intéressent à des projets africains et à la possibilité de les appliquer en Inde. »

Des systèmes de santé en difficulté

Le niveau des dépenses des pays du Sud dans la santé est faible (2,8% du PIB en Indonésie, 3,7% au Nigeria, 4,1% au Cameroun) comparé à celui des pays de l’OCDE (8,9% en moyenne).

Ainsi,dans plusieurs pays du Sud, les besoins sont criants, en raison de la faiblesse des infrastructures, ou de leur concentration dans les plus grandes villes. « Au Mali, pays de 15 millions d’habitants, il n’existe que dix dermatologues, et ils sont tous basés à Bamako. Il ne faut pas oublier que la lèpre sévit toujours dans le pays ! », souligne Béatrice Garrette.

Certains pays africains ont toutefois accéléré dans la télémédecine notamment. La Tanzanie, par exemple, utilise largement le système « SMS for life ». Le principe ? Un message est envoyé aux habitants via téléphone portable, afin d’améliorer leur accès à des traitements contre la malaria.

Ou encore, un rapport du World Economic Forum écrivait en 2015 que 27.000 Ougandais travaillant dans la santé utilisaient un système mobile appelé mTRAC. L’application permet de savoir si des médicaments sont en rupture de stock dans les établissements médicaux fins de pouvoir y remédier plus rapidement. Le système permet aussi aux Ougandais abonnés de faire part de problèmes de prestations santé.

Un potentiel fort pour le développement de l’e-santé

Par ailleurs, les dépenses des pays à faibles revenus dans la santé augmentent plus rapidement que celles des pays développés (entre 1995 et 2012, les dépenses de santé ont ainsi augmenté de 7,4% par an dans les pays du Sud, contre 3,5% dans les pays développés).

Ceux-ci pourront toutefois difficilement atteindre le niveau d’infrastructures des pays de l’OCDE et copier les modèles de leurs systèmes de santé. Ainsi, dans un rapport publié en 2015, le BCG estime que les pays en voie de développement devront développer des systèmes de santé alternatifs par l’innovation représentée par l’e-santé.

Les pays du Sud ont des atouts pour y parvenir. Ils « ont moins de barrières institutionnelles et législatives », avance Béatrice Garrette. Un rapport Ipsos commandé par l’entreprise Philips en mai avance que pour ces raisons-là, le développement de l’e-santé peut se faire plus facilement dans les pays du Sud que dans les pays développés

Autre facteur du développement de la santé numérique, notamment en Afrique: le boom des smartphones: le nombre d’appareils devrait doubler entre 2015 et 2017, pour atteindre les 350 millions d’unités dans le continent, selon une étude du cabinet Deloitte. Néanmoins, le taux d’accès à Internet dans le continent reste encore faible, à 28% selon un rapport de l’ONU en 2015

L’e-santé ne fait pas tout

L’e-santé revêt une importance particulière pour l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine. Mais elle ne suffira pas. Le rapport du World Economic forum explique que les pays africains devront acquérir de meilleures connaissances, et gagner en savoir-faire dans la santé. Autres pistes pour améliorer les systèmes de santé: multiplier les partenariats publics-privé afin de développer les hôpitaux.

 

Club 2030 Afrique, Think Tank crée en 2012, est une institution à but non lucratif dont la mission principale est de mettre ses compétences, son savoir et son énergie au service des organes de gouvernance africains afin de les accompagner dans le processus d’émergence qui mènera à un développement économique et social harmonieux à horizon 2030. Le club 2030 Afrique entend répondre aux besoins de réflexion et d’échange qui se font particulièrement sentir dans un contexte où les problématiques de bonne gouvernance financière, de croissance économique durable et de développement humain constituent des enjeux majeurs en vue d’un affermissement des tendances socio-économiques observées sur le continent africain.

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