Ce mercredi 30 Mars 2016, sous le parrainage d’Esther Benbassa, Sénatrice du Val-De-Marne, le collectif Wangari Maathai, en partenariat avec la Fondation de l’Ecologie Politique, a souhaité se pencher sur la problématique » AFRIQUE : LA COP21… ET APRÈS? »
Le président de Club 2030, Khaled Igue a eu l’honneur d’être convié à intervenir à l’occasion de cette table ronde qui s’est tenue au Sénat pour partager sa vision sur l’effet de levier que constituerait la COP 21 pour la révolution verte en Afrique.
A ses côtés pour alimenter le débat :
- Benjamin BIBAS (modérateur), journaliste, co-responsable du groupe Afrique d’Europe-Ecologie-Les Verts;
- Brigitte AMEGANVI, Présidente de l’association Synergie-Togo
- Géraud MAGRIN, Professeur Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Laboratoire de géographie PRODIG
Ci-après une synthèse du point vue d’expert de Khaled Igue, Président de Club 2030 Afrique.
_______________________
Les débats de la COP 21 devaient permettre de parvenir à un accord à la hauteur des enjeux liés au dérèglement climatique. A cet effet ces échanges se sont articulés autours de 3 axes de réflexion : l’ambition, la différenciation et le financement.
L’ambition
L’ambition de la COP 21 s’est matérialisé par l’assignation d’un objectif clé ; celui de limiter le réchauffement de la planète en dessous de 2°C d’ici la fin du siècle. Dans ce contexte, il convient de noter que pour une quarantaine d’Etats, essentiellement situés dans le Pacifique et en Afrique, le seuil de 1,5°C est vital. Des promesses ont été faites, seront-elles tenues ? Désormais, il convient de définir leurs modalités de mise en œuvre ?
La différenciation
La différenciation consiste à prendre en compte la disparité des capacités économiques et des responsabilités historiques de chaque pays dans le réchauffement climatique. A cet effet, ce principe doit permettre de déterminer les trajectoires de chaque pays et voir dans quelle mesure ils pourront bénéficier d’un appui financier pour mettre en œuvre les mesures adéquates. Or, certains pays, comme la Chine et l’Inde, demandent dès aujourd’hui à bénéficier des fonds alors même qu’ils devraient être mis à contribution.
Le financement
Le financement est un point crucial de l’accord. Sans financement, il est impossible d’aider les pays les plus vulnérables face au réchauffement climatique. L’Afrique fait cas d’école : le continent émet moins de 4% des émissions de gaz à effet de serre et il est aussi le plus touché par le réchauffement climatique. Plus accablant, le continent ne consomme que 3% de l’énergie mondiale produite. La faible consommation d’énergie est un réel frein pour le développement économique des pays africains. Si l’on part du principe que l’Afrique est le prochain relais de croissance et pourrait devenir le premier continent à faire une révolution énergétique décarbonée, il convient de lui consacrer au moins 50% du Fond vert des Nations Unies pour développer des projets d’énergies renouvelables.
L’équation n’est pas aisée pour le continent africain. D’une part, il doit se développer économiquement donc mener une politique énergétique ambitieuse et d’autre part, il doit développer une politique énergétique décarbonée. Il faudrait que l’Afrique bénéficie d’une réelle incitation, avec un mécanisme de financement adéquat pour accompagner les 6 000 projets d’énergies renouvelables qui peinent à voir le jour par manque de financement ou de garantie financière.
Des promesses ont été faites. Seront-elles tenues ?
Le fonds vert s’élève à 100 milliards de dollars par an. La part du fond qui pourrait être allouée à l’Afrique est de l’ordre de 23%, ce qui est largement insuffisant. Si l’on veut que l’Afrique fasse sa révolution verte il faut qu’elle bénéficie de la majorité du fonds, c’est un impératif. Après le protocole de Kyoto en 1997, un fonds, intitulé MDP (Mécanisme de Développement Propre), a été mis en place mais seulement 3% de ce fonds a été mis au service du développement de l’Afrique. La majeure partie est allée à la Chine et à l’Inde. Si tout le monde est d’accord pour dire que l’Afrique est le prochain relais de croissance et le premier à devoir conduire une révolution verte, il semble pertinent, voir crucial que la majeure partie du fonds pour le climat aille au continent pour garantir la réalisation des projets liés à l’environnement. Aujourd’hui, 70% de la population en Afrique utilise le feu de bois. Or, selon le dernier rapport de l’ONU, 3 000 personnes décèdent chaque jour en Afrique à cause de l’utilisation des feux de bois pour la cuisson et le chauffage, qui sont extrêmement dangereux pour la santé.
Et maintenant ?
Tout d’abord, jusqu’en 2020, c’est le protocole de Kyoto qui continue à s’appliquer. L’accord de Paris, adopté en séance par consensus, doit maintenant être signé (probablement au début de l’année 2016). Puis pour entrer en vigueur le 1er janvier 2020, puis il devra être ratifié, accepté ou approuvé, selon les modalités retenues par chaque Etat, par au moins 55 pays représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Mais, « à tout moment après un délai de trois ans à partir de l’entrée en vigueur de l’accord pour un pays », celui-ci pourra s’en retirer, sur simple notification.
Quels sont les coûts de l’atténuation et de l’adaptation pour l’Afrique ?
A ce jour, le défi majeur à relever par les nations africaines est celui l’insuffisance alimentaire. En effet, le continent compte un milliard d’habitants de nos jours et comptera 2 milliards d’habitants en 2050. On estime à près de 10 milliards par an, les coûts liés aux questions de l’adaptation et de l’atténuation dans le secteur de l’agriculture. Comment l’Afrique financera donc ces 10 milliards ? Quelles innovations devront être réalisées pour ne pas limiter la productivité agricole ?
Le fond vert climat contribuerait utilement au financement dédié au développement d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement.
Les pays africains doivent saisir l’opportunité de la COP 22 qui se déroulera sur le continent pour élaborer, sur la base des INDC (Contribution Intentionnelle Déterminée au niveau National), une offre adéquate à l’image d’un 4/1000 (Initiative des ingénieurs français de l’INRA pour restaurer la fertilité des sols et piéger le gaz à effet de serre), qui corresponde à ses besoins en terme de développement. Cette offre devra prendre en compte les enjeux et les défis que doivent relever les Etats africains en terme de productivité, d’aménagement des zones de culture, d’irrigation, de sécheresse et de catastrophes naturelles.