Le compte à rebours a pris fin ce matin, la 21ieme conférence des parties sur le réchauffement climatique, COP 21, est lancée.
Plus de 80 chefs d’Etats, une centaine de délégations y sont attendus. Aux côtés de François Hollande, Barack Obama, Xi Jinping, les leaders des deux plus grandes puissances économiques qui sont aussi les plus grandes émettrices de gaz à effet de serre, ont confirmé leur présence dans la capitale française.
On peut y voir un heureux présage pour ce rendez-vous présenté comme étant celui de la dernière chance pour essayer de réduire les émissions des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, que l’on soupçonne très fortement d’être à l’origine des hausses de températures. Mais cela passe par la réduction drastique, au niveau mondial et à l’échelle des États, de notre très forte dépendance à l’égard des énergies fossiles; une dépendance inégale en fonction des pays.
Bien sûr, tous les pays n’ont malheureusement pas les moyens d’investir dans des énergies alternatives à faible intensité en carbone. Il apparaît donc clairement que, derrière les enjeux climatiques, se cachent de gros enjeux économiques et de puissants lobbies climato-sceptiques. D’ailleurs ces questions ont été au cœur de l’échec de la conférence de Copenhague en 2009, en raison notamment du fait que la Chine, la super puissance émergente à l’époque, ne voulait pas signer d’engagements contraignants. La crainte d’alors des pays émergents était que les puissances occidentales utilisent l’argument environnemental et climatique pour affaiblir leurs économies en plein essor. Pour toutes ces raisons, un accord était difficilement envisageable à Copenhague.
Pourquoi aujourd’hui, plus qu’hier, y aurait-il de meilleures chances de parvenir à un accord sur le climat ? Le monde aurait-il changé? La fonte des glaciers s’est accélérée, les catastrophes naturelles sont de plus en plus nombreuses à travers le monde. Les changements climatiques représentent l’une des plus graves menaces pour la survie de l’espèce humaine. Notre écosystème entier est menacé. Nous faisons face aujourd’hui à des catastrophes environnementales d’une ampleur sans précédent. Les scientifiques réunis au sein du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat), s’accordent à dire qu’en limitant la hausse des températures à 2°C avant la fin du siècle, on pourrait limiter la fonte des glaciers, dont les principales conséquences sont l’élévation du niveau des océans, leur acidification et les changements des courants marins. En bouleversant le fonctionnement de notre écosystème, le phénomène du réchauffement climatique ne menace pas seulement la survie de quelques espèces végétales et animales, mais toutes, nous y compris. Les changements climatiques que nous ressentons déjà, auront un impact certain sur notre sécurité alimentaire et hydrique.
Quels sont les pays qui produisent le plus de gaz à effet de serre ? A la première place, la Chine produit 25% des gaz à effet serre, elle est suivie par les Etats-Unis avec 13% et l’Union Européenne en troisième position avec 12% en moyenne. Les pays occidentaux et la Chine sont aujourd’hui responsables de 50% des gaz à effet de serre émis par la planète. A cela s’ajoutent les contributions sans cesse croissantes des nouvelles puissances émergentes comme la Russie, le Brésil et l’Inde.
Que peut-on alors attendre de la grande messe mondiale à Paris ? Cet énième rendez-vous mondial permettra-t-il de sauver la planète du réchauffement climatique en tenant ses promesses ? Pourquoi ce qui n’a pas marché en 2009 à Copenhague, marcherait-il en 2015 à Paris ? Le monde a-t-il changé depuis? La réponse est positive. En effet, les Etats-Unis et surtout la Chine ont évolué dans le bon sens sur cette question. L’espoir est aujourd’hui permis, car le jeu était naguère très serré, entre les climato-sceptiques et les chantres de la croissance à tout prix. Il apparaissait évident qu’aucun accord international sur les changements climatiques n’interviendrait, tant que les grandes puissances émettrices ne tomberaient pas d’accord entre elles d’abords. Les Etats-Unis et la Chine veulent être aujourd’hui des moteurs sur cette question alors qu’aucun des deux pays n’a jamais ratifié le protocole de Kyoto. Ils ont signé ensemble un accord bilatéral historique pour montrer leur engagement sur le sujet et l’évolution de leurs positions.
L’opinion publique chinoise a également joué un rôle déterminant dans le changement de vision de ses dirigeants, ainsi que la crise économique apparue ces deux dernières années. La pollution cause en Chine le décès de près de 4000 personnes par jour (cf. le brouillard de pollution dans le nord de la Chine ces derniers jours, ou à Shenzhen en août). Les dirigeants chinois, se retrouvant dos au mur, ont dû prendre ces dernières années des mesures afin de réduire la pollution causée par les modes de production d’électricité, principalement à partir des centrales à charbon.
En quelques années seulement, la Chine est devenue le numéro un mondial des énergies renouvelables, avec un mix énergétique dans sa production électrique atteignant des sommets, près de 50%, ce qui la place en tête des pays producteurs d’énergies renouvelables. Le ralentissement économique en Chine est sans doute aussi une raison supplémentaire qui peut expliquer le revirement de la Chine, qui dit aujourd’hui souhaiter un accord sur le climat. Elle y voit sans doute un nouveau levier de croissance pour ses industries aujourd’hui respectivement numéro un et numéro deux dans la production d’éoliennes et de panneaux solaires.
Les Etats Unis et la Chine veulent jouer le rôle de locomotives sur la question des changements climatiques mais aussi sur le développement des énergies renouvelables. Ils y voient tous deux un formidable levier de croissance pour leurs économies en perte de vitesse. Le développement des énergies renouvelables est de bon augure pour la planète, puisque ces énergies sont efficaces dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour la première fois depuis plus de 40 ans, elles ont permis de stabiliser les émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité, dans les pays du G20. Elles représentent une alternative crédible aux énergies carbonées et leur déploiement au niveau mondial permettrait de répondre en grande partie au réchauffement climatique. Ces technologies sont aujourd’hui très fiables et à des prix de plus en plus concurrentiels. En cela réside tout le paradoxe, puisqu’on qualifiait, il y a quelques décennies à peine les technologies environnementales de trop coûteuses mais voilà que grâce aux énergies renouvelables, les grandes puissances vont pouvoir faire bataille pour vendre leurs technologies aux pays les moins avancés et retrouver ainsi des opportunités de croissance dans leurs pays respectifs.
Pour la conférence de Paris, il y a donc plusieurs raisons d’être optimiste. Depuis quelques mois, on assiste effectivement à des signes très encourageants et des gages de bonne volonté, distillés par différents pays qui montrent qu’un accord se profile à l’horizon. Pour l’une des toutes premières fois, on a vraiment le sentiment que les Etats Unis, confronté à la grave sécheresse dans l’Etat de la Californie, s’engagent vraiment sur cette question climatique. En effet, ils abandonnent définitivement le projet d’oléoduc « Keystone XL » qui devait relier la province canadienne de l’Alberta à jusqu’au sud des Etats-Unis, et acheminer du pétrole issu des sables bitumineux, que l’on sait très polluant pour l’environnement. Les Etats Unis se sont aussi engagés à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 32% d’ici à 2030. La Chine quant à elle s’est engagée à atteindre son pic de production en 2030 et à le réduire progressivement à partir de cette date. Elle a d’ailleurs signé un accord bilatéral avec la France dans la perspective de trouver pour la COP21 un accord juridiquement contraignant dont les objectifs seraient revus tous les cinq ans. Ce sont là, des engagements forts et sans précédents pris par les Etats-Unis et la Chine.
Les changements climatiques seront des sources de conflits avec les migrations de populations vulnérables. On assiste déjà à des déplacements de populations suite à des catastrophes naturelles. Selon l’Observatoire des situations de déplacement interne, plus de 22 millions de personnes ont été contraintes de se déplacer dans le monde en 2013. Les pays occidentaux craignent de vastes mouvements de population dans les années à venir. Il ne fait nul doute, que les déplacements de populations auront des répercussions géopolitiques importantes. N’oublions pas que la crise syrienne, avec son flux régulier de réfugiés, se jetant à la mer pour atteindre les côtes européennes, a débuté par une crise climatique après près de trois longues années de sécheresse avant de se transformer en crise politique dans la foulée des printemps arabes, et de devenir enfin une crise humanitaire sans précédent. On voit aujourd’hui à quel point, cette crise migratoire a pu déstabiliser tous les États européens et continue de le faire.
L’Afrique joue gros. Elle peut et doit pouvoir tirer son épingle du jeu au cours de cette COP21. Comment? Rappelons que l’Afrique n’est pas responsable de la grande part du réchauffement climatique, mais qu’elle en subit depuis longtemps déjà, les répercussions. Parce qu’elle est très peu émettrice, elle pourra bénéficier de la vente de ses permis carbone. Les montants collectés permettront de financer le développement des énergies renouvelables sur le continent. Le potentiel de développement des énergies solaires et éoliennes est énorme. Les besoins sont colossaux ; dès lors qu’on sait que plus de 70% de la population africaine, en constante augmentation, n’a pas accès à l’énergie et plus particulièrement à l’électricité. On peut entrevoir un potentiel de développement considérable. D’après certaines estimations l’Afrique aurait besoin de 70 à 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2030 pour que sa population ait accès à l’électricité.
Tout l’enjeu pour l’Afrique, lors de cette COP21, doit être de peser sur les négociations visant à fixer le prix du carbone. Selon un rapport de l’Agence Internationale pour les Energies renouvelables (IRENA), la seule façon pour les nations africaines d’assurer leur croissance économique et de renforcer leur sécurité énergétique avec une incidence environnementale limitée est de développer des énergies renouvelables. L’Afrique détient quelques-unes des meilleures ressources en termes d’énergies renouvelables au monde, sous la forme d’énergies géothermique, de biomasse, de solaire et d’éolienne. Le développement de ces énergies nécessitera des transferts de technologies des pays du nord vers les pays du sud. Rappelons que ces technologies sont déjà disponibles dans certains pays africains, elles sont fiables et à des prix très concurrentiels.
Il incombe désormais aux dirigeants africains de créer des conditions favorables au déploiement ces technologies grâce à un cadre réglementaire incitatif, afin d’ouvrir à l’Afrique à la voie d’un développement durable s’appuyant sur l’émergence des énergies à faible intensité carbonée. Les énergies propres et durables en Afrique seront un levier de la croissance pour les pays africains mais aussi occidentaux. C’est du « gagnant gagnant ». L’électrification de l’Afrique est une chance pour l’Europe d’après les sénateurs français qui ont bien compris que la France avait aussi sa carte à jouer. Début novembre 2015, à un mois seulement de la COP21, le sénateur Jean-Marie BOCKEL a fait adopter un texte cosigné par des parlementaires de toutes les tendances politiques, qui invite la France à promouvoir l’action de la fondation » Energies pour l’Afrique » de l’ancien ministre Jean Louis BORLOO pour l’électrification de l’Afrique. D’après Jean-Marie BOCKEL : » Soutenir l’électrification de l’Afrique, c’est parier sur le formidable moteur de croissance que pourrait être pour nous le continent africain ». Tout est dit.
Pour conclure, un accord mondial important sur le réchauffement climatique est donc à portée de main, pas tant parce que les puissances se soucient plus, aujourd’hui qu’hier de la planète, mais principalement pour des raisons économiques avec le déploiement des énergies renouvelables en Afrique comme un formidable relais de croissance, et pour des raisons géopolitiques, puisque les enjeux climatiques et migratoires sont intrinsèquement liés.
L’espoir est donc permis pour l’Afrique et le monde lors de cette COP21.