Continent particulièrement vulnérable au changement climatique et pourtant peu émetteur de gaz à effet de serre, l’Afrique va devoir hausser le ton lors de la conférence sur le climat de Paris. C’est bien ce que compte faire le Groupe africain qui représente 54 pays et près d’un milliard d’habitants. Nous avons rencontré son porte-parole, le Malien Seyni Nafo, lors des négociations de Bonn de septembre. Il plaide pour un accord « inclusif, ambitieux et équitable ». Et le développement massif des énergies renouvelables.
Novethic. Comment l’Afrique envisage-t-elle les négociations climatiques qui vont se dérouler début décembre à Paris ?
Seyni Nafo. La position de l’Afrique dans les négociations a évolué. Nous sommes dans un nouveau paradigme par rapport à la COP de Copenhague de 2009. Nous ne sommes plus le groupe qui arrive en disant »nous avons faim, donnez-nous de l’argent ». Notre groupe s’est structuré comme entité politique, nous coordonnons nos revendications. En fait, toutes les propositions concernant les concepts et la technicité viennent du groupe africain. L’objectif global de l’adaptation, c’est nous. L’idée d’une plateforme d’adéquation, c’est encore nous. Jusqu’à présent, les négociateurs n’étaient pas habitués à ce que le groupe africain fasse ce genre de propositions.
Novethic. Qu’attendez-vous de l’accord?
Seyni Nafo. L’Afrique ne signera pas un accord sans ambition. Ce que nous attendons c’est un texte inclusif, ambitieux et équitable. Nous entendons par « inclusif », un accord qui représente vraiment les intérêts des 196 Parties prenantes de la Convention cadre des Nations Unies sur le Changement climatique. « Ambitieux et équitable », cela veut dire que les pays développés assurent effectivement un niveau de soutien financier et technique qui soit crédible.
Concrètement, cela passe par l’augmentation de la capitalisation du Fonds vert. Par exemple en le multipliant par deux. Une telle initiative enverrait un signal politique fort. Nous faisons confiance à ce Fonds parce qu’il est dirigé par une instance composée de 10 représentants des pays du Sud et de 10 représentants des pays du Nord. Dans cette instance, les pays en voie de développement se trouvent à égalité avec les pays développés.
Novethic. L’Afrique émet seulement 3% des émissions mondiales mais il s’agit d’un continent qui souffre tout particulièrement des effets du réchauffement climatique. Comment faire face à ce paradoxe ?
Seyni Nafo. En fait, il y a même plusieurs paradoxes. Le continent africain est effectivement la région au monde qui émet le moins de gaz à effet de serre mais c’est aussi la région qui a le moins de capacité à répondre au changement climatique. Par ailleurs, l’Afrique a le plus grand potentiel mondial pour les énergies renouvelables mais aujourd’hui, c’est la région où la population a le moins d’accès à l’énergie. Nous subissions déjà les effets du réchauffement climatique. Actuellement, il se traduit sur le continent par un dérèglement de l’agenda pluviométrique : il occasionne de graves sécheresses d’un côté et de l’autre, des inondations.
Il faut donc agir et vite ! Il faut que nous nous adaptions aux nouvelles conditions environnementales. Nous n’avons pas le choix. Un pays qui n’intégrerait pas le changement climatique dans la planification de ses infrastructures et de son agriculture, c’est un pays qui se prépare à des pertes à moyen et long terme dans ces investissements de base. Et pour faire face au réchauffement climatique et s’y adapter, le continent africain doit investir dans l’énergie propre. Les énergies renouvelables sont le moyen le plus sûr et le plus rapide pour assurer son développement.
Novethic. Quelles sont les atouts du continent dans la mise en place d’un développement propre ?
Seyni Nafo. L’Afrique n’émet presque rien, donc la question de la réduction des émissions de gaz à effet de serre ne se pose pas vraiment. Nous ne sommes pas dans la même logique que la Chine ou l’Inde qui doivent décarbonner leurs économies. En fait, la question qui se pose pour le continent est la suivante : comment l’Afrique peut-elle profiter de la dynamique de la diplomatie du climat et de celle de la finance climat pour promouvoir un développement propre ? Dans la plupart des pays africains, le système énergétique commence à peine à se développer. Les négociations climatiques en cours représentent donc une chance pour accélérer notre développement via l’accès aux énergies renouvelables.