Enjeux africains: dessiner les villes intelligentes du futur

by club2030

Enjeux africains: dessiner les villes intelligentes du futur

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Interrogé pour le compte de Forbes Afrique, Guy Gweth livre les clés pour comprendre les villes intelligentes du futur. Visions, stratégies, enjeux, objectifs, ressources, tops et flops, tout est passé au crible par le fondateur de Knowdys. En 2050, 1.200 millions d’Africains vivront dans les villes.

Viviane Forson (Forbes Afrique) : L’objectif du gouvernement congolais, par exemple, est de privilégier une approche de développement basée sur la transformation locale des ressources naturelles. […] Pensez-vous que ces centres de croissance peuvent renforcer la reprise économique du pays?

Guy Gweth : Chez Knowdys, nous considérons précisément que les principaux challenges au décollage économique de la RDC sont de trois ordres : la gouvernance économique et politique, le retour de la sécurité dans l’est du pays, et la construction d’infrastructures liées à l’énergie, aux transports et aux télécommunications. Dans ce contexte, les centres de croissance ne peuvent prospérer et jouer leur rôle de boosters de l’économie que si les trois défis ci-dessus sont relevés au moins à hauteur de 50%. En deçà, c’est un catalogue de bonnes intentions. Pour preuve, nos analyses montrent, à titre d’exemple, que l’activité du M23 dans l’est de la RDC a réduit d’un tiers les activités dans le secteur minier et divisé par deux les sources de revenus. Je rappelle, à toutes fins utiles, que les secteurs agricole et minier, à eux seuls, génèrent 50% du PIB. La bonne nouvelle c’est que des étoiles brillent dans ce ciel turbulent. On peut ainsi espérer que, tirées par la demande chinoise notamment, des pépites comme le gisement de Kibali, ou la mine de Tenke Fungurume au Katanga, permettent la construction d’infrastructures de transport modernes comme il est aisé de l’observer dans le cadre du projet Sicomines.

Le projet de 10 technopoles est-il réalisable selon vous ? On a vu des exemples de technopoles qui ont été de véritables gouffres financiers, d’autres n’ont pas été achevées etc… N’est-ce pas un peu “fou” de lancer 10 projets en même temps ?

Il est connu de tous que « qui trop embrasse mal étreint ». Mais lancer 10 technopoles à l’échelle de la RDC reste du domaine du raisonnable. Il faut se rappeler que nous sommes sur un territoire grand comme 6 fois l’Allemagne et 65 fois plus peuplé que la Belgique. La vraie question est de savoir si Kinshasa est prêt à faire les sacrifices nécessaires pour tenir les engagements qui en découlent. Car pour prospérer, les technopoles ont besoin, a minima, d’une stratégie nationale claire, d’une gouvernance basée sur des résultats, d’un écosystème sécurisé et d’un climat des affaires sein. L’ensemble doit être animé par des parties prenantes confiantes dans l’idée de contribuer durablement à la création de valeur. C’est en cela qu’une vraie technopole pilote aurait été pédagogique, avant d’aller plus loin, en toute connaissance de cause.

Comment sont financés de tels projets ? Et à votre avis quelles sont les contraintes techniques et financières dans leur création ?

Je schématise, mais lorsqu’on est un pays de 75 millions d’habitants dont ¾ sont exposés à l’insécurité alimentaire ; lorsqu’on a une économie essentiellement tributaire du sol et du sous-sol ; lorsqu’on vit avec un déficit budgétaire accentué par les difficultés de mobilisation de l’administration fiscale, les exonérations arbitraires et d’importantes dépenses visant à sécuriser un pays grand comme 200 fois le Qatar, la solution la plus indiquée semble être le partenariat public-privé (PPP). Ce mécanisme présente l’avantage de pouvoir mobiliser l’expertise et l’innovation du secteur privé, ainsi que la discipline et les stimulants des marchés financiers dans la livraison de projets complexes comme ceux auxquels pensent les autorités kinoises.

Et vous faites bien de parler de contraintes techniques et financières ! Car une technopole est d’abord une réponse technique aux soupirs des territoires dont la stratégie de développement économique repose sur la valorisation d’un potentiel local identifié. Le but : promouvoir l’industrialisation. Cela implique de réussir à faire danser, sur une même musique, aux meilleures conditions, et sur un même territoire, un ensemble d’entreprises, de laboratoires de recherche, d’infrastructures dédiées… Financièrement, les PPE sont contraignants car basés sur le rendement. Si Kinshasa devait opter pour cette approche, les partenaires du privé auraient la responsabilité de présenter la meilleure solution en terme de rentabilité, laissant à la charge de l’Etat congolais la propriété des installations et les exigences fonctionnelles y afférentes.

Avec Hope City, Konza City et maintenant les technopoles de Kinshasa, est-ce que le développement économique du continent passe forcément par la multiplication de ces villes dites intelligentes ?

La question est légitime tant la tentation du mimétisme est grande en matière de développement économique. Notre expérience dans l’accompagnement des acteurs publics et privés africains nous a appris qu’il n’y a de recette miracle que celle qui convient à la cible. Il va sans dire que le « tout technopole » n’a aucun sens, surtout sur un même territoire, car la concurrence suffira à supprimer les moins forts. Face à la pléthore de technopoles qui se profilent, effet de mode oblige, notre message est très clair : il faudra se différencier ou disparaître. Cela étant, comme à Abu Dhabi, Izmir ou Pékin, les villes africaines ont besoin de leur green innovation parks dans les meilleurs délais. En 2050, un milliard et deux cents millions d’Africains vivront en zones urbaines. Il leur faudra des smart cities, fournies en énergie solaire photovoltaïque et thermique, des systèmes de recyclage d’eau et de déchets, des transports électriques, une alimentation saine et suffisante. La RDC a le mérite de penser aujourd’hui la cité de demain.

Club 2030 Afrique, Think Tank crée en 2012, est une institution à but non lucratif dont la mission principale est de mettre ses compétences, son savoir et son énergie au service des organes de gouvernance africains afin de les accompagner dans le processus d’émergence qui mènera à un développement économique et social harmonieux à horizon 2030. Le club 2030 Afrique entend répondre aux besoins de réflexion et d’échange qui se font particulièrement sentir dans un contexte où les problématiques de bonne gouvernance financière, de croissance économique durable et de développement humain constituent des enjeux majeurs en vue d’un affermissement des tendances socio-économiques observées sur le continent africain.

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