Fred Swaniker : « Nous construisons l’université du futur en Afrique ! »

by club2030

Fred Swaniker : « Nous construisons l’université du futur en Afrique ! »

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L’African Leadership Network (ALN), le réseau des leaders africains créé en 2010, veut aider le continent noir à rattraper ses décennies perdues. Il vient pour cela de mettre sur orbite l’African Leadership University, un réseau de 25 campus universitaires qui formera, en 50 ans et par promotions successives, plus de 3 millions de jeunes entrepreneurs, managers, leaders africains. Avec des méthodes d’apprentissages innovantes et audacieuses.

Ces compétences, l’Afrique en aura de plus en plus besoin pour faire face aux grands chambardements qui s’annoncent et qui secouent déjà le reste du monde : disruptions numériques, économiques, démographiques… Pour Fred Swaniker, cofondateur avec Acha Leke de l’ALN, il y a urgence à réformer de fond en comble un modèle éducatif africain, dépassé et inopérant : « Les emplois de demain n’ont même pas encore été inventés… l’Afrique n’est pas du tout préparé aux mutations des dix prochaines années. L’avantage, c’est que nous n’avons pas vraiment d’héritage ni de grandes traditions universitaires à l’opposé des pays développés. Les Américains ont Harvard, les britanniques Oxford. Nous pouvons donc poser un regard neuf sur l’existant, et repartir de zéro pour réinventer l’université africaine de demain ».

À Marrakech pour la réunion annuelle de l’ALN, Fred Swaniker, un ancien de McKinsey, revient sur un projet qui prétend révolutionner l’enseignement supérieur du continent.

Il y a 10 ans, vous lanciez l’African Leadership Academy, une école destinée aux adolescents africains. En quoi la question du leadership est-elle si importante pour vous ?

La African Leadership Academy (ALA) fut la première étape, avant même la création de l’African Leadership Network (ALN) en 2010 puis de l’African Leadership University (ALU) en 2015. Je suis originaire duGhana et j’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence dans différents pays africains comme la Gambie ou le Zimbabwe. Je sais bien que le potentiel de l’Afrique est immense, mais j’ai aussi pris conscience que ce qui nous tire vers le bas depuis trop longtemps, c’est la mauvaise qualité du leadership africain. Nos dirigeants ont ruiné l’Afrique… Quand aurons-nous de bons leaders sur le continent ? Quand serons-nous enfin en charge de notre propre destinée ?

C’est ce qui nous a donné l’idée et l’envie de créer une académie du leadership pour les adolescents africains de 15 à 19 ans. Nous leur apprenons ce que signifie l’éthique, l’entrepreneuriat, à prendre des décisions et à résoudre des problèmes pour avoir de l’impact positif sur la vie des autres, en devenant ce que j’appelle des « game-changers ». Ces adolescents, une centaine chaque année, deviennent par la suite entrepreneurs, ingénieurs, scientifiques, hommes politiques, journalistes… Il s’agit de la prochaine génération de leaders africains, au service de l’Afrique. Nous offrons à ces jeunes tous les frais de scolarité, l’équivalent de 80 000 dollars, mais à une condition : il faut qu’ils s’engagent à rester sur le continent pendant une durée minimum de 10 ans.

Entreprendre en Afrique est pourtant très difficile, les obstacles ne manquent pas…

L’Afrique est un continent très entrepreneurial. Beaucoup d’Africains entreprennent à chaque instant, sans le savoir, pour survivre. Mais cela ne va pas changer la donne. Nous avons besoin de leaders qui créeront des entreprises puissantes et en forte croissance, capable d’offrir des emplois à des dizaines de milliers de personnes. Nous voulons faire émerger le Steve Jobs africain, nous voulons détecter etformer celui qui va créer le futur General Electric africain.

C’est simple, pour entreprendre, il faut trois ingrédients. Tout d’abord les idées, ou plutôt les problèmes à résoudre, ce qui ne manque pas en Afrique. Vous soulevez un caillou et vous trouverez un problème africain, et donc potentiellement une idée d’entreprise. Le second ingrédient est l’équipe. Quant au troisième, il s’agit du financement. Si vous mixez ces trois, vous avez une entreprise prospère entre les mains. Avec nos programmes, nous voulons accompagner les talents africains qui créeront ces entreprises. Nous avons aussi un programme d’accélération, ALN Ventures, qui finance et accompagne plusieurs dizaines de start-up chaque année.

En 2015, votre organisation passe à l’échelle avec l’African Leadership University. Comment former plus de trois millions de leaders qui transformeront l’Afrique ?

Dans mon esprit, l’African Leadership University prolonge et amplifie la vision qui a démarré autour de l’African Leadership Academy. Nous sommes en train de construire l’université du futur en Afrique, avec au total 25 campus répartis sur tout le continent africain qui peuvent accueillir chacun 10 000 étudiants. Le cursus s’étalera sur trois ans. La vérité, c’est que dans leur immense majorité, nos universitésn’enseignent que de la théorie. Nous voulons développer des vraies compétences professionnelles et non pas juste de la connaissance. Nous allons apprendre aux jeunes Africains les métiers de demain.

Si l’on prend par exemple les cours de marketing conçus en 2010 à l’époque de la télévision, ils sont aujourd’hui complètement dépassés par le mobile et les montres connectés. Nos professeurs leur apprendront à raisonner en utilisant les données qui permettent de résoudre des problèmes complexes. Un de nos cours est par exemple intitulé « data & decision ».

Les étudiants développeront constamment un esprit entrepreneurial. Le « critical thinking » et le « self leadership » seront également enseignés. Les étudiants vont passer un temps considérable à étudier entre eux durant leur temps libre avant même d’arriver en cours. Les professeurs seront là pour perfectionner leurs acquis, les aider à dépasser leurs limites. Chaque année, les étudiants passeront huit mois sur le campus et quatre mois dans une entreprise opérant sur le territoire africain. Ces entreprises vont sponsoriser les frais de scolarité des étudiants et seront ainsi certains de recruter les talents qu’ils ont tellement de mal à trouver, à cause de la fuite des cerveaux.

Ce projet existe-il déjà sur le terrain ?

Oui, nous avons inauguré un premier campus sur l’île Maurice. La première promotion de 200 étudiants est déjà sponsorisée par des mécènes, mais à partir de 2016, les frais de scolarité annuels s’élèveront à 7 000 dollars à l’année. Montant que nos entreprises partenaires prendront en charge. Avec Maurice, nous sommes au tout début de l’aventure, nous voulons ouvrir d’autres campus en 2016. Cela prendra dix à vingt ans pour créer les 25 universités sur tout le continent. Il faut du temps pour transformer l’Afrique en profondeur.

Club 2030 Afrique, Think Tank crée en 2012, est une institution à but non lucratif dont la mission principale est de mettre ses compétences, son savoir et son énergie au service des organes de gouvernance africains afin de les accompagner dans le processus d’émergence qui mènera à un développement économique et social harmonieux à horizon 2030. Le club 2030 Afrique entend répondre aux besoins de réflexion et d’échange qui se font particulièrement sentir dans un contexte où les problématiques de bonne gouvernance financière, de croissance économique durable et de développement humain constituent des enjeux majeurs en vue d’un affermissement des tendances socio-économiques observées sur le continent africain.

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