Le chef de l’État rwandais Paul Kagame a accueilli ce dimanche à Kigali des représentants de la majorité des pays membres de l’Union africaine (UA) pour discuter de la « mise en œuvre » de la réforme de l’organisation panafricaine pour la rendre plus efficace.
« Il n’existe pas de changements faciles, la route qui nous attend est longue » et peut même être « inconfortable » mais « il est important que nous ne gâchions pas cette opportunité », a déclaré Paul Kagame le 7 mai face à une dizaine de ministres des Affaires étrangères africains et des ambassadeurs auprès de l’Union africaine (UA) dans l’enceinte du Convention center de Kigali.
Bureaucratique, inefficace, trop dépendante des donateurs étrangers et peu crédible aux yeux des citoyens, l’institution panafricaine créée en 2002 sur les cendres de l’OUA est depuis de nombreuses années particulièrement critiquée.
De fait, en juillet 2016 à Kigali lors du 27è sommet de l’UA, le président rwandais s’est vu confier la lourde tâche de la réformer. Les grandes lignes de cette réforme ont été présentées lors du sommet suivant, en janvier 2017 à Addis-Abeba, et ont été adoptées par ses homologues africains. Reste désormais à les mettre en application afin que cette réforme ne reste pas qu’un vœu pieux.
La crédibilité de l’UA : un enjeu de la réforme
« Nous sommes à un tournant » car « les défis auxquels nous faisons face nous commandent d’adapter notre outil dans un monde en plein changement », a martelé à la tribune Moussa Faki Mahamat, le nouveau président de la Commission de l’UA, assurant que « la crédibilité » de l’organisation dépendait de la pleine application de ces réformes.
Faute notamment d’une volonté politique, « plusieurs projets, plusieurs rapports sur les réformes sont pratiquement des morts nés » par le passé, a-t-il déploré.
Parmi les propositions de Paul Kagame et de son équipe de réforme figurent surtout la diminution des champs d’intervention de l’organisation, une meilleure division du travail entre la Commission de l’UA d’une part et les communautés économiques régionales et les Etats membres d’autre part ou encore la réforme sur le financement de l’Union africaine qui doit normalement être mise en application dès le 1er janvier 2018. Passage en revue des changements proposés.
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Rationalisation du champ d’action de l’UA
Le projet de réforme prévoit la limitation des champs d’intervention de l’Union africaine qui se concentrerait sur quatre « domaines prioritaires » de portée continentale : les affaires politiques, la paix et la sécurité, l’intégration économique et les moyens pour l’Afrique de faire entendre sa voix sur la scène internationale.
Ce recentrement des priorités concerne aussi les sommets de l’UA, ces deux grand-messes semestrielles qui rassemblent les chefs d’État. Lors du prochain rendez-vous panafricain, prévu en juillet, pas plus de trois thèmes comptant parmi les questions « stratégiques » ne devraient être soumis aux chefs d’Etats et de gouvernements.
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Réalignement les institutions
Dans la présentation de son rapport à ses homologues en janvier, Paul Kagame avait recommandé la mise en œuvre d’une « division claire du travail » entre l’Union africaine et les communautés économiques régionales, les États membres et les autres institutions continentales. Ce dimanche à Kigali, Moussa Faki Mahamat a expliqué qu’il souhaitait que la Commission de l’UA soit représentée dans chacune de ces communautés économiques régionales.
La Commission de l’UA devra aussi fait l’objet d’un audit institutionnel et opérationnel pour évaluer les « goulots d’étranglement » qui paralysent son fonctionnement. « Nous sommes sous et mal administrés » et il y a « un certain nombre de dysfonctionnements » qui ne permettent pas à la Commission d’opérer de manière optimum, a déclaré dimanche Faki Mahamat.
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Réforme du financement
Cette réforme particulièrement discutée ce dimanche et vue comme prioritaire doit permettre d’offrir à l’organisation panafricaine une souveraineté financière et politique. En effet, plus de 80% de son budget dépend aujourd’hui des donateurs étrangers. Le principe d’une taxe de 0,2 % sur certaines importations, dite « taxe Kaberuka » du nom l’ancien président de la Banque africaine de développement (BAD) à l’origine de cette proposition, a été entériné en juillet 2016 par les chefs d’Etats réunis à Kigali.
Ce dimanche, certains pays comme Maurice, se sont toutefois inquiétés des accords commerciaux de libre-échange dans lesquels ils se sont engagés et notamment ceux signés avec l’Organisation mondiale du Commerce (OMC), qui interdisent d’établir de discrimination entre leur partenaires commerciaux.
Le Rwanda attendait les 55 chefs de la diplomatie africains, mais ce dimanche ils n’étaient qu’une petite dizaine à avoir fait le déplacement, dont le Bénin, le Tchad, le Mali, le Burkina Faso ou encore le Nigeria. Les autres pays ont été représentés par des vice-ministres ou leurs ambassadeurs à Addis-Abeba, siège de l’UA. Doit-on y voir un mauvais signe pour la réforme et pour la volonté affichée de Paul Kagame de mettre fin à la « crise de la mise en œuvre » des décisions de l’UA ?
« Nous sommes à la croisée des chemins et, au niveau du continent, le processus (de réforme) est irréversible », a estimé face à la presse Louise Mushikiwabo, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, selon laquelle la réunion a clairement montré « une détermination » des pays africains à effectuer ces réformes.
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