Pourquoi s’intéresser à l’habitat ?
Qu’il soit rural ou urbain, individuel ou collectif, le bâtiment est un socle fondamental des activités humaines :
- Véritable pilier de toutes les économies, « Quand le Bâtiment va, tout va ! », ce secteur crée de très nombreux emplois.
- Le bien-être, la résilience et l’espérance de vie sont directement liés à l’habitat.
- L’architecture signe les cultures et les identités régionales et privées.
- Le secteur du bâtiment consomme environ 1/3 de l’énergie employée à l’échelle mondiale et figure parmi les premiers contributeurs au changement climatique.
La question d’un habitat adapté pour le plus grand nombre est particulièrement cruciale au Sahel, qui est la région qui connait la plus forte croissance démographique au monde. Toutefois, alors que l’habitat constitue une attente majeure des populations sahéliennes et que la croissance démographique renforce cette attente, cette problématique demeure sous évaluée, et donc peu traitée par les acteurs publics et citoyens.
A l’heure actuelle, au Sahel, la grande majorité des bâtiments sont construits à partir de matériaux importés (tôle, béton, acier, bois d’œuvre…). Or ces matériaux sont chers, ils participent d’une économie exogène (importations) et les architectures qu’ils permettent présentent un confort thermique et acoustique limité. Sur le plan thermique, l’utilisation au Sahel de la tôle et du ciment pour des logements peut même être considérée comme une aberration. Ces constructions ont également des impacts négatifs sur le plan social (recours à des modes de production à faible intensité de main d’œuvre), culturel (perte des savoir-faire locaux), environnemental (déforestation) et climatique (forte empreinte carbone).
A ce jour, aucun programme public transnational visant l’accès à un habitat décent pour le plus grand nombre, n’est déployé en Afrique sahélienne. Pourtant, la fragilité des écosystèmes et des économies des populations sahéliennes ne leur donnent que peu de capacités d’adaptation et de résilience, alors qu’elles seront parmi les populations les plus touchées par les effets du réchauffement et qu’elles ne sont aucunement responsables des évolutions climatiques en cours !
Quels acteurs pour transformer l’habitat au Sahel ?
Depuis 2000, l’Association la Voûte Nubienne (AVN) s’est fixé comme objectif de transformer l’habitat au Sahel d’ici à 2040, en faisant émerger le marché de la Voûte Nubienne (VN). La technique VN, originaire de Haute-Egypte, utilise exclusivement des matériaux locaux, essentiellement de la terre latéritique crue et pierres, presque toujours disponibles à proximité des chantiers. Le toit est constitué d’une voûte, réalisée sans coffrage, ce qui évite le recours au bois, qui se raréfie au Sahel. Cette technique permet la réalisation de bâtiments solides et durables, offrant confort thermique, acoustique et esthétique, pour un coût réduit. Cette architecture génère de nombreux emplois locaux et permet d’atténuer l’empreinte climatique de la filière construction.
Si AVN est l’acteur le plus avancé à ce jour pour faire évoluer les pratiques constructives au Sahel, c’est qu’elle est forte d’une expérience de plus de 15 ans, qu’elle dispose de relais locaux solides, qu’elle a développé une expertise de haut niveau et qu’elle obtient des résultats mesurables et croissants : 79 000 m² construits sur 2 000 chantiers VN, 440 maçons formés et 400 apprentis, 24 000 bénéficiaires dans 800 villes et villages d’Afrique de l’Ouest, principalement en milieu rural.
Association de droit français, AVN est active dans 5 pays (Bénin, Burkina Faso, Ghana, Mali et Sénégal) et à vocation à intervenir dans l’ensemble des pays de la bande sahélienne. Mais bien entendu, AVN ne pourra pas seule transformer l’habitat au Sahel. L’implication des autorités nationales, des collectivités territoriales, des entreprises, des centres de formation et des organisations communautaires est indispensable.
Plusieurs acteurs se sont déjà appropriés la technique VN en Afrique de l’Ouest. Les gouvernements du Burkina Faso et du Sénégal ont ainsi inscrit la technique VN comme une solution prioritaire pour adapter l’habitat dans les Contributions Prévues Déterminées au Niveau National (CPDN) qu’ils ont élaborées à l’occasion de la COP 21 (décembre 2015 à Paris). AVN multiplie les partenariats avec les acteurs locaux car une large diffusion de la technique VN au Sahel requiert que :
- les acteurs de la filière de la construction(artisans maçons, entreprises de construction, bureaux de maîtrise d’œuvre, cabinets d’architecture…) intègrent la technique VN ;
- les structures de formation professionnelle forment à la technique VN ;
- les ministères et agences publiques recourent à la technique VN pour leurs besoins constructifs (écoles, centres de santé, bâtiments de stockage agricoles…) ;
- les organisations professionnelles, les organisations communautaires et les organisations de la diaspora sensibilisent les jeunes aux possibilités d’emploi offertes par la technique VN, contribuent à renforcer la demande locale pour des bâtiments VN et financent des constructions VN.
Il est également primordial que les pays riches reconnaissent leur responsabilité dans le changement climatique, qu’ils prennent en compte les impacts considérables du changement climatique sur les populations sahéliennes et qu’ils acceptent les investissements qui en découlent.
Avec quelle méthode relever ce défi ?
AVN est intimement convaincue que c’est par une logique de marché réel, pleinement inscrit dans les économies locales, qu’il sera possible de transformer l’habitat au Sahel. Afin d’amorcer le marché VN, les équipes AVN régionales sillonnent des zones pilotes, accompagnées par des personnes « clé » convaincues par la technique VN et convaincantes dans leur communauté. Ces équipes sensibilisent la population locale pour faire émerger des clients VN (la demande) et pour inciter de jeunes artisans (maçons, cultivateurs, etc.) à se former à la technique VN (l’offre). La formation des maçons VN est réalisée dans une logique de compagnonnage (formation sur le tas), le plus souvent de manière informelle. AVN encadre et dynamise ce processus et au besoin, met en place des modules de formation complémentaires sur certains chantiers spécifiques.
A cette méthode de marché qui constitue le cœur de l’approche d’AVN, peuvent s’ajouter des activités complémentaires qui renforcent et accélèrent la diffusion de la technique VN:
- Formation entrepreneuriale pour maçons VN ;
- Formation à la maîtrise d’ouvrage VN (notamment pour les collectivités territoriales) ;
- Formation à la maîtrise d’œuvre VN (notamment pour les entreprises de BTP) ;
- Opérations de subvention ciblée du marché VN privé (via incitation financières directes ou crédit habitat à taux réduit en partenariat avec institutions de micro finance).
Au final, la construction de bâtiments répondant aux besoins d’une clientèle locale permettra l’émergence d’une filière de construction adaptée aux réalités économiques, sociales et environnementales des zones sahéliennes.
Bien entendu, l’architecture VN n’est pas l’unique solution technique pour transformer l’habitat au Sahel. Dans les zones rocailleuses, l’architecture en pierre sera plus adaptée. Mais à l’heure actuelle, le programme d’AVN est le seul programme qui s’attelle à l’immense défi de la transformation de l’habitat au Sahel. AVN n’a bien sûr qu’un souhait : que de multiples programmes contribuent à faire de l’habitat adapté une réalité pour les prochaines générations.