Les Rencontres économiques africaines, à Paris, ont présenté un potentiel industriel et de marchés proche de la Chine.
Les défis : développer l’Etat de droit, la scolarité, les infrastructures, la diversification hors matières premières.
Cette année, « seulement » dix des vingt économies les plus dynamiques de la planète sont africaines. Sur la période 2005-2015, c’étaient même douze des pays à plus fort taux de croissance, avec 8 % en moyenne, qui étaient situés sur ce continent ayant longtemps désespéré les économistes.
Ces données, présentées par Jamal Belahrach, vice-président de Business Africa, en clôture, la semaine dernière, de la Journée des patronats africains à l’invitation du Medef à Paris, explique le vent d’optimisme qui souffle désormais sur le continent noir. D’ailleurs, l’Afrique est l’une des deux seules régions au monde à avoir bénéficié l’an dernier d’une hausse du nombre de grands projets d’investissements directs étrangers, avec 771 projets générant 149.000 emplois, selon une étude du cabinet EY, diffusée vendredi.
Certes, les participants de cette « séquence africaine » à Paris se sont appliqués à rappeler que ces croissances échevelées peuvent s’expliquer par un effet de rattrapage et ont mis en garde contre toute euphorie ou naïveté sur un continent où la plupart des entreprises disposent de « deux, voire trois bilans annuels », ainsi que l’a rappelé Alec Fopaku, PDG de la start-up Fiftyfor, une plate-forme de notation en ligne de sociétés africaines.
« Une force de travail de 1,2 milliard de personnes »
Au Medef comme aux Rencontres Africa 2016, qui ont rassemblé en fin de semaine dernière près de 1.000 hommes d’affaires au Conseil économique, social et environnemental, sous l’égide des ministères français de l’Economie et des Affaires étrangères, les intervenants ont souligné l’urgence de diversifier l’économie des 54 pays africains. Il faut pour cela profiter des opportunités du numérique, garantir le droit de propriété et un Etat de droit, rénover ou développer les infrastructures en communications (le continent a « sauté » l’étape du téléphone filaire avec le plus fort taux de pénétration du portable de la planète), d’assainissement d’eau, électricité, routes (cruciales pour approvisionner les marchés) santé et éducation. L’Afrique doit ainsi scolariser 136 millions d’enfants, des effectifs en croissance de presque 10 % par an. Il s’agit de former des citoyens mais aussi des professionnels, a rappelé Didier Acouetey, président d’Africasearch, qui se demande si parfois « nous ne formons pas un peu trop de docteurs en sociologie et pas assez de plombiers au vu des besoins exprimés ».
« L’Afrique peut toucher le dividende de la jeunesse », estime de son côté Georges Desvaux, directeur général Afrique de McKinsey de Johannesburg, commentant la deuxième étude annuelle, « Des Lions en mouvement », consacrée au potentiel des économies africaines. Le continent représente aujourd’hui un marché de 4.000 milliards de dollars par an, qui devrait monter à 5.600 milliards dans dix ans. Il pourrait aussi aisément doubler son potentiel industriel d’ici là et disposer dans vingt ans « d’une force de travail de 1,1 milliard de personnes, supérieure à celle de la Chine ou de l’Inde ». De quoi imaginer une base industrielle et de services très solide, à l’exemple de la filière textile aujourd’hui en Ethiopie. La main-d’oeuvre africaine est, en outre, moins chère que la chinoise, même si sa productivité n’est pour l’heure pas comparable.
« Importateurs de pétrole »
Georges Desvaux souligne aussi que, même si les commentateurs mettent l’accent sur le ralentissement africain, un groupe d’une quinzaine de pays a vu au contraire sa croissance s’accélérer, « passant de 4,1 % par an en moyenne entre 2000 et 2010 à 4,4 % par an entre 2010 et 2015. Ces pays, qui pèsent 40 % du PIB du continent, se caractérisent par une base solide d’industries et de services peu dépendante de l’exportation de matières premières et ont donc plutôt bénéficié de la chute des cours mondiaux de ces dernières années ».Acha Leke, directeur associé chez Mac Kinsey souligne l’influence en outre de l’urbanisation, « avec 75 mégapoles qui génèrent 44 % de la consommation du continent ».