Il y a des réflexes qui ont la vie dure. Malgré un axe intercontinental en pleine redéfinition, la plupart des décideurs politiques et économiques africains qui veulent établir, conserver ou accroître leurs échanges avec l’Europe, ont cette fâcheuse et coûteuse tendance à contourner sa capitale. Dans leur atlas de l’influence, Bruxelles brille par son absence. En 2016, « passer par Paris » ou Londres reste pour beaucoup un immuable gage d’efficacité : valeur sûre et inaltérable des relations politiques et économiques entre l’Afrique et l’Europe.
Pour de nombreuses entreprises non-européennes comme pour la plupart des gouvernements étrangers (hors-UE), il est cependant devenu naturel, fondamental et stratégique de se positionner directement auprès des institutions européennes à Bruxelles, sans forcément s’attarder dans les capitales des Etats-membres. Aujourd’hui, la gestion stratégique de l’information économique est devenue l’un des moteurs de la performance globale des entreprises et des Etats et ouvre de nouvelles perspectives de communication à l’international. Etre représenté valablement à tous les niveaux des institutions de l’UE est un atout indéniable.
On ne soulignera jamais assez l’importance de l’intelligence économique comme outil de compréhension et maîtrise de notre environnement, indispensable à la prise de décisions pertinentes. Les Etats africains gagneraient à étudier de près les processus décisionnels européens, les stratégies mises en place et les politiques qui en découlent. Qui connaît les réels tenants et aboutissants (et conséquences sur les intérêts africains) de la stratégie Europe 2020 ? Celle-ci est pourtant le fondement de la politique actuelle et à venir du bloc européen, qu’il convient de maîtriser lorsqu’on traite avec l’Union Européenne.
Lobbying africain bienvenu à Bruxelles
Oui, Bruxelles vaut le détour mais force est de constater que la voix africaine n’y résonne pas encore. Et pourtant, entre les entreprises du continent, les représentants de gouvernements africains en charge des affaires étrangères, du commerce extérieur, des relations industrielles, on discerne clairement les bases d’une communication d’influence.
Car il s’agit bien ici de maîtriser l’information stratégique pour gagner en influence. Dans l’arsenal des acteurs publics et privés africains, le lobbying reste le maillon faible. En revanche, de nombreux pays et organisations à travers le monde le considèrent – sous le nom de « représentation des intérêts » – comme rouage essentiel de leurs interactions avec les institutions et organisations internationales.
Pourquoi Bruxelles est-elle la 2ème capitale mondiale de l’influence? Pourquoi 15,000 lobbyistes s’y activent-ils au quotidien? L’enjeu se situe évidemment au-delà des décisions européennes. Il s’agit bel et bien de peser sur l’élaboration de standards internationaux. L’UE, une fois ses décisions prises, en fait la promotion urbi et orbi. Les normes européennes en matière de commerce extérieur, énergie, agriculture, transport, climat sont largement diffusées et âprement défendues en-dehors des frontières de l’UE. Ces normes définies à Bruxelles ont ensuite une portée géopolitique indéniables.
S’il est grand temps que le secteur privé et les Etats africains se dotent de systèmes de gestion rigoureuse et stratégique de l’information économique, il est tout aussi urgent que Bruxelles y trouve la place qui lui revient : en tant que source intarissable de renseignement à haute valeur ajoutée, dont la qualité et l’accessibilité sont cruciales pour la compétitivité des économies africaines.
